Trouvez ci-dessous notre tribune intégrale publier dans Le Monde le 12 octobre 2023.
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Si les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur ont officialisé leur candidature aux Jeux d’hiver 2030, c’est parce que les autres ont refusé, explique un collectif d’organisations et de particuliers dans une tribune au « Monde », qui questionne leur légitimité dans un contexte de réchauffement climatique.
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La France est en train de devenir la sauveuse du mouvement olympique : sans attendre le succès ou l’échec des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) 2024 dans la capitale, les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur ont officialisé leur candidature aux Jeux d’hiver 2030.
Si un comité national olympique se retrouve dans la situation de peaufiner le dossier de leur candidature aux Jeux olympiques d’hiver en préparant les Jeux d’été imminents – un cas rarissime –, c’est parce que le Comité international olympique (CIO) ne peut pas trouver d’hôte fiable ailleurs.
L’industrie du ski dans les Pyrénées espagnoles a brièvement soutenu la candidature des Pyrénées-Barcelone, mais les opposants ont mobilisé cinq mille manifestants le 15 mai 2022, avec le slogan « Per un Pirineu Viu, Aturem els JJOO d’hivern ! » (« Pour des Pyrénées vivantes. Arrêtons les Jeux olympiques d’hiver »). Le mois suivant, l’Espagne a abandonné sa candidature. Vancouver (Canada), ville hôte en 2010, a montré son intérêt, mais le gouvernement de Colombie-Britannique a refusé de dépenser des milliards de dollars pour deux semaines de sport.
Après des abandons successifs devenus coutumiers désormais, le CIO comptait sur une ville japonaise, Sapporo, mais les critiques contre le mouvement olympique y sont très fortes, à cause notamment d’un scandale de corruption autour des Jeux de Tokyo. Il a été donc obligé de modifier le délai normal, à savoir l’attribution des Jeux sept ans avant, pour gagner du temps.
C’est dans ce contexte qu’un membre français du CIO, Guy Drut, a proposé une candidature commune des deux régions alpines de la France. Les deux présidents desdites régions, Laurent Wauquiez et Renaud Muselier, se sont mis d’accord et ils ont rencontré le président du CIO, Thomas Bach, le 7 septembre.
Donc, si la France organise les JOP d’hiver 2030, c’est parce que les autres ont refusé. C’était exactement pour la même raison que Paris a eu ses Jeux d’été. Pendant la candidature de Paris, la population n’a jamais été consultée. Or, à l’époque, quelques voix ont réclamé un référendum, à l’instar de Hambourg (Allemagne), une autre ville candidate aux JOP 2024, où les habitants ont exprimé leur rejet avec 51,7 % des votes « Nein ».
Sept ans plus tard, nous nous sentons obligés de reprendre la même démarche. Nous réclamons un référendum autour de la candidature des Alpes françaises aux JOP d’hiver 2030.
Nous croyons que cette demande est légitime. Non seulement parce que nous avons désormais découvert, avec Paris 2024, l’ampleur des impacts que les Jeux peuvent produire sur nos espaces verts, nos libertés publiques et nos droits sociaux. Mais aussi parce que c’est le CIO qui a évoqué lui-même la possibilité d’un référendum systématique.
Par rapport à l’accumulation des « non » dans les villes où un vote a été tenu (Munich, Davos, Cracovie, Hambourg, Calgary et Sion), John Coates, le vice-président du CIO, a dit en 2018 : « Pour les pays où le référendum est en vigueur, cette question doit être réglée avant de se présenter comme candidat auprès du CIO (…). Ce n’est pas quelque chose de plaisant, nous voulons désormais éviter cela. » C’est ainsi que le CIO essaie d’imposer que les villes ou les régions organisent un référendum avant de candidater.
Mais nous n’avons pas à accepter que l’imposition d’un référendum préalable se traduise par l’interdiction d’un référendum postérieur au lancement dans la course, d’autant plus que les populations ne sont nullement consultées sur la candidature en amont, et que la discussion entre le CIO et les élus français a commencé très discrètement en coulisses, sans écho médiatique.
Plus fondamentalement, nous ne croyons pas que le CIO ait le droit de dicter la vie publique d’un pays. Nous souhaitons avoir un débat public sérieux sur ce point aussi. De quel droit en effet une organisation non gouvernementale suisse peut-elle imposer ses règles aux Etats souverains ?
Nous voudrions aussi questionner la légitimité des Jeux d’hiver dans le contexte du réchauffement climatique. Depuis un certain temps, plusieurs études scientifiques pointent la non-durabilité des Jeux d’hiver. L’une des plus récentes, publiée dans la revue Current Issues in Tourism en janvier 2022, a montré qu’une seule ville, parmi les anciens hôtes, serait encore capable d’accueillir les JOP d’hiver à la fin du siècle, sans réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre : Sapporo.
Si nous continuons à réchauffer la planète avec nos vieilles pratiques, comme d’organiser des événements polluants et non essentiels à grand renfort de neige artificielle, et si les Japonais n’acceptent pas que leur ville devienne le site permanent des Jeux d’hiver, ceux-ci devront cesser d’exister tôt ou tard.
Les Jeux d’hiver sont à la fois victimes et accélérateurs du réchauffement climatique. Plus la planète se réchauffe, plus la neige se raréfie, et plus les Jeux deviennent dépendants d’un ersatz polluant.
Cependant, dans un entretien accordé au quotidien Le Parisien, le président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), David Lappartient, a fait preuve d’un ultracrépidarianisme [l’art de parler de ce que l’on ne connaît pas] exemplaire, en affirmant avec aplomb : « Oui, on aura de la neige ». Dans la tribune publiée par Le Dauphiné libéré, les élus des Alpes du Sud déclarent : « Les Jeux, c’est l’opportunité de donner un second souffle à nos infrastructures, à notre aménagement, à nos hébergements touristiques et permanents », tandis que Laurent Wauquiez promet les « premiers JO d’hiver durables ».
Le référendum serait une occasion d’aborder leurs arguments. Car enfin : est-ce que la vertu économique des Jeux d’hiver est toujours d’actualité ? Est-ce un modèle économique à défendre ? Voulons-nous vraiment de nouvelles pistes de bobsleigh ? Et des tremplins de saut à ski ? Leur ratio utilité/carbone est-il convenable ?
Ces enjeux doivent faire l’objet d’un vrai débat public. Il est légitime et urgent de réclamer que les populations soient informées loyalement, pour qu’elles puissent décider.
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