À Marseille comme dans d’autres villes accueillant des épreuves olympiques, les dynamiques se ressemblent : on y fait des aménagements qui privatisent des espaces publics, détruisent l’environnement (7000m² de béton au bord de la mer), et privilégient des centres d’excellence sportifs plutôt que des petits clubs, des amateur-rices de nage, ou des baigneur-ses du dimanche. Et puis les épreuves olympiques, c’est aussi l’occasion de virer les exilé-es plus loin (un des « SAS d’accueil temporaire » semble être à Arles comme le laissent penser des offres de poste Pôle Emploi), de fermer des places en hôtels sociaux, et pour les spéculateurs immobiliers de se faire un gros profit, même si ça rend des quartiers inaccessibles au passage (on pense surtout au sponsor Airbnb pour Marseille).
Pour les épreuves de voile (comprenant aussi le kite-foil et le IQ foil, des nouvelles disciplines olympiques qui sont des sports de grande vitesse), la Marina du Roucas Blanc est en train d’être construite à la place d’une zone nautique, dans le 8e arrondissement de Marseille. C’est un chantier de 6,5 hectares (pour permettre le stockage et la mise à l’eau de 200 bateaux, une soixantaine de planches à voile et une centaine d’embarcation pour la sécurité, les jurys et les médias), dont 7 000m² de bâtiments destinés aux 330 athlètes (vestiaires, sanitaires, espaces médicaux, zones de repos, espaces de réunion, restauration, logistique et services (sécurité, contrôle anti-dopage)) avec une zone média également.
Des aménagements non pérennes sont également au programme, notamment une tribune, ainsi que des travaux sur le plan d’eau et les berges. Avec les travaux de voirie, la construction à 44 millions d’euros (financement exclusivement publique) est assuré par un groupement composé de « Travaux du Midi », (la filiale en Provence de Vinci Construction), de l’agence Jacques Rougerie et de celle de Carta&Associés.
En mars 2022 on a appris un changement important : l’abandon de la Corniche Kennedy. La tribune provisoire d’une jauge de 5000 places devait être installé au niveau de la Corniche Kennedy et garantir le suivi des différentes sessions face à la mer. L’idée de la tribune sur la corniche a été abandonnée suite à des soucis de sécurité. La tribune devrait être déplacé au niveau de la plage et accueillir 2000 personnes.
« Avec les travaux de redimensionnement pré et post-Jeux, le stade nautique du Roucas Blanc offrira des conditions d’entraînement idéales aux athlètes du Pôle France de Voile de Marseille et une capacité d’apprentissage entièrement repensées pour les pratiquants de tous niveaux. » Voilà ce qu’on peut lire a la Solideo. Dans les faits, une grande partie des plages et des plans d’eau devient privatisée, les petits clubs actif au Roucas Blanc ont été invités a partir pour faire table rase. La crainte de ces petits clubs est que cette privatisation ou cette monopolisation se poursuive après les jeux, au seul bénéfice du centre d’entraînement olympique du Pôle France de Voile.
Des personnes et des collectifs qui vont souvent nager, ou juste se détendre et s’amuser aux plages du petit Roucas ou du Prado, dénoncent depuis plusieurs mois voire années ces projets. C’est le cas notamment du collectif des Nageurs du Prado, qui organisent régulièrement des mobilisations sur le sujet soutenues par Les Libres Nageurs, le Comité d’Intérêt du Quartier, et Marseille Vert.
Voici leur version des faits :
– les épreuves de voile, et notamment de kite-foil et QI foil, sont des sports qui demandent de grands plans d’eau ce qui n’est pas du tout adapté aux petites plages de Marseille. Cela a impliqué des dérogations pour permettre leurs entraînements à moins de 300m de la plage, et l’interdiction aux nageur-ses d’une grande partie de la mer au niveau de la plage du Prado Nord (plus grande de Marseille) et du Petit Roucas plus d’un an avant les JOP.
– des plages publiques (et pas seulement les plans d’eau) vont être interdites d’accès pendant les JOP, mais aussi en avant. C’est déjà le cas au début de l’été 2023 pour les entraînements de voile, pour une durée qui n’a pas été annoncée (les marseillais-es ont été mis devant le fait accompli depuis le 23 juin, grillages et vigiles interdisant l’accès aux plages du Prado Nord et du Petit Roucas).
– il faut ajouter aussi le mépris des collectifs d’usagèr-es des plages de Marseille : au début iels ont pu être invité-es à des « concertations » qui se sont vite transformées en « informations », voir à des promesses de traitements de faveur en échange de leur silence.
En bref : les espaces de nage libre sont drastiquement réduits au profits des sports de vitesse comme le kyte-foil ou le QI-foil (c’est beaucoup plus stylé !), les marseillais-es perdent l’usage de deux plages publiques pour (au moins) une grande partie de deux étés, et le centre d’entraînement olympique de voile risque fort de s’habituer à tout l’espace qu’on lui a construit/privatisé pour les JOP, même après la tenue des jeux…
Et pour accueillir les touristes et les médias internationaux, c’est aussi les conditions de logement à Marseille qui sont touchées. Il est pour l’instant difficile de savoir comment les touristes vont être accueilli-es. Mais on sait déjà que ça va passer en grande partie par Airbnb, que comme à Paris, des hôtels sociaux déconventionnent pour accueillir des touristes, et que les personnes à la rue et/ou en demande d’asile sont déplacées.
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